TUEUR DE PORTABLE SANS MOBILE APPARENT de Phil Marso - Ed Megacom-ik

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Découvrez trois extraits du premier polar dont le personnage principal est un téléphone portable. « Tueur de Portable sans mobile apparent » publié en 1999, l'auteur Phil Marso avait imaginé l'action en 2001. En 2001, Phil Marso lance la 1ère Journée Mondiale sans téléphone portable : 6 février 2001. Vous souhaitez vous procurer l'ouvrage et rencontrer l'auteur ? Rien de plus simple, si vous êtes en région parisienne. Déplacez-vous jusqu'à la boutique Megacom-ik 13 Bd Saint Marcel 75013 Paris

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1er extrait 2ème extraits 3ème extraits

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1er Extraits (Page 1 à 15)

3 heures du mat – L’imprimante laser fonctionnait à plein régime. Si vous croyez qu’un détective privé doit se satisfaire d’une machine à écrire poussiéreuse avec quelques touches manquantes sur un clavier poisseux de whisky… Vous êtes encore à la page des années 50 d’un vieux polar. Non, moi, j’étais équipé d’un Mac et je tripotais encore la souris à une heure plus que tardive. Le modem clignait. Je consultais les sites sur Internet. Attention ! Pas pour me brancher un client. C’était pas mon style. J’avais déjà utilisé trente-six manières pour me foutre en l’air. Le résultat était peu probant. J’en déduisais qu’il fallait confier ce travail à un spécialiste. Un tueur à gage était idéal pour régler mon compte. Je m’apprêtais à télécharger ma tronche en photo avec le libellé suivant : Cet homme est abattu, faites-en bon usage.Un internaute débutant n’aurait pu déchiffrer cette prise de commande énigmatique. Trois minutes plus tard, un virus pulvérisa mon ordinateur. C’est dire que l’info avait fait le tour de la planète Web. On cogna sèchement à la porte de mon burlingue.
« Entrez ! »
Un grand type me faisait face. Il avait un flingue armé d’un silencieux à infrarouge pointé sur mon front. Une distance de dix mètres nous séparait. Le coup était facile. La règle du jeu voudrait que l’on ne discute pas trop comme au cinéma. Seulement, le tueur était prudent.
« Êtes-vous solvable, John Wilson Bred ? »
Je n’eus pas le temps de répondre. Mon créancier tomba raide mort sur ma moquette. Le commissaire Mafoin venait de régler ma note. Il rengaina son flingos dans l’étui de son imper. Il enjamba le corps pour s’installer dans mon fauteuil. Soudain, un bruit strident se familiarisa à nos oreilles. Dring ! Dring ! Dring ! Mon sauveur s’alarma.
« John ! Ne décrochez pas ou vous êtes un homme mort ! »
La main de Mafoin avait repris du service. Il tenait un P38, camouflé au bas de sa jambe gauche. Serein, je compris qu’il avait ma vie en joue.
« Commissaire, vous arrondissez vos fins de mois en tuant sur contrat ? »
La sonnerie continuait son foutoir.
« John, je vous le répète pour la deuxième fois : ne décrochez pas !
– O K ! Vous permettez que je me renseigne sur l’état de ma pizza au micro-onde ?
– Quoi ! Ce n’est pas votre portable qui fait se boucan ?
– Commissaire, j’en suis encore aux surgelés à dix balles. Un mobilou, moi ? »
Le malentendu dissipé, nous voilà attablé devant une Marguerita irradiée. La pâte affûte nos plombages. Mon hôte rentra dans le vif du sujet.
« John, le passage de l’an 2000 n’a pas été de tout repos.
– Je vous l’accorde, commissaire.
– Le danger immédiat qui nous guettait, c’était le fameux bug informatique. Mais bon, on est tiré d’affaire. On a enchaîné sur 2001 sans trop de casse. Seulement, on a enregistré des décès accidentels depuis quelques jours dans la capitale.
– Vous voulez dire des morts suspects ?
– Exact !
– Vous pensez un serial killer qui voudrait être inscrit dans le Guiness Book de ce début de troisième millénaire ?
– Non ! On laisse ça aux Américains, John. Je vous parle de faits pas ordinaires. Figurez-vous que toutes les victimes juste avant de trépasser dans l’au-delà étaient munies d’un téléphone mobile.
– Et Alors ?
– C’est troublant !
– Mafoin, vous m’avez prolongé la vie juste pour me sortir une énormité pareille. Un Parisien sur deux dispose de cet objet de communication.
– C’est sûr, ça crève les yeux. N’importe qui dans la rue pianote dessus. N’empêche un tueur a la main trop baladeuse en ce moment…
– Qu’entendez-vous par là ?
– Il y a un fêlé qui surgit de nulle part. Enfin, disons le flingueur est sur la ligne d’écoute. C’est à ce moment précis qu’il agit.
– Ah bon ? Vous avez trouvé l’arme du crime sur place ?
– Non !
– Des douilles ?
– Non ! Tout ce que l’on a relevé, c’est une facture détaillée. Et là, ça douille un maximum. John, il s’attaque qu’au gros consommateurs.
– Vous m’étonnez à peine, Mafoin. C’est dans l’air du temps.
– N’empêche ! Ma hiérarchie ne m’adresse plus la parole depuis que je veux rouvrir les dossiers autour du téléphone mobile, classés sans suite.
– Du genre « Veuillez rappeler ultérieurement… » ?
– John, je vous charge de l’enquête.
– Officiellement ?
– Oui ! Encore que, pour mes supérieurs, vous êtes toujours aux abonnés absents…»
Mafoin se leva sans décrocher un mot supplémentaire.
21 h 30 – La porte du quatrième sous-sol du parking s’ouvrit avec fracas. Ricardo Landjo venait de donner un grand coup de pied dedans, téléphone mobile oblige ! L’attaché-caisse d’une main, il avançait d’un pas rapide vers son box privé.
« Écoute, chérie ! Je suis encore aux archives. Tu m’entends ? »
Un grésillement sournois brouilla une fraction de seconde la conversation.
« Ricardo ! Ton portable n’est pas au top. T’appelles d’où ?
– Des archives !
– Ah bon ? C’est bien silencieux.
– Normal ! Le personnel s’est déjà barré. Tu m’en veux pas, si je ne rentre pas ce soir, Amandine ?
– Non, mais combien de temps ça va durer ?
– Entre nous, Amandine ?… Jusqu’à la mort !
– Arrête, Ricardo ! J’aime pas ton humour à froid.
– Je sais… T’aurais préféré que nous en discutions sous la couette. J’y peux rien si ma patronne m’impose des heures sup’. On se rattrapera cet été.
– M’ouais ! »
Un bip résonna dans l’écouteur.
« Amandine, j’ai un double appel. Je te reprends tout de suite. »
Ricardo appuya sur la touche « R ».
« Qu’est-ce que tu glandes ? T’as expédié ta femme aux tâches ménagères ?
– Ah, Carole, c’est toi…
– Qui veux-tu que ça soit, idiot ?»
L’homme baissa sa voix.
« Carole ! J’ai Amandine à l’autre bout du fil. »
La maîtresse vociféra.
« Parle plus fort, impuissant !»
Ricardo s’empara du beeper de sa Turbor G27 2000 pour désactiver l’alarme. La portière avant s’ouvrit. Il jeta l’attaché-caisse à l’arrière. Il appuya sur la touche Assistance vocale située sur le tableau de bord. Il commença à articuler les mots-clés.
« Fermeture ! »
La portière avant glissa lentement pour se refermer automatiquement.
« Contact ! »
Un ronronnement à peine perceptible venait d’enclencher les 300 CV sous le capot de sa Turbor G27 2000. Le sourire au coin des lèvres, il encastra son mobile au centre du volant. Pendant tout ce temps, Carole avait collé son oreille à l’écouteur.
« Ambiance extérieure ! »
Le son du moteur s’amplifia à l’intérieur du bolide.Ricardo hurla :
« Alors, qu’est-ce que tu dis de ça, Carole ? »La jeune femme recula d’un bon à cause des décibels. Hargneuse, elle répliqua en criant à son tour.
« Ça va ! Sois en forme pour tout à l’heure, voyou !
– Je reprends Amandine, OK ? »
Ricardo continua ses ordres méthodiquement.
« Ambiance interne ! Chauffage ! 22 ° ! »
Il effleura malencontreusement la touche « R ».
« Ricardo ! T’avais qui au bout du fil ?»L’infidèle fut surpris par la voix jalouse d’Amandine. Le chauffage entonna un vrombissement sensuel dans l’habitacle du Turbor G27. 2000.
«– T’inquiète, chérie ! C’est le chef des ventes qui voulait que je remonte un dossier.
– C’est quoi ce bruit ?
– Euh… C’est la photocopieuse qui chauffe.
– Ricardo, je croyais que tu numérisais les documents avec ton portable.
– C’est vrai ! Mais je te l’ai dit cent fois que je ne peux pas le faire si je suis en ligne en même temps.
– Vas-y, dit que je te dérange ?
– Mais non, Amandine. »Ricardo éclata de rire.
« Tu te fous de moi ?
– Chérie ! Je rigole en pensant à ces ploucs du XXe siècle qui s’extasiaient devant cet outil désuet.
– Tu parles de la photocopieuse ?
– Évidemment ! Bon, il faut que je remonte à mon bureau, Amandine.
– OK ! J’ai compris. Je te roule un patin en attendant mieux.
– Amandine ! J’en fais de même en 10 000 exemplaires. La photocopieuse, c’est pas une rapide. T’as de quoi tenir jusqu’à demain matin. Tu vas adorer, mon amour ! »
La communication fut enfin coupée. Ricardo était l’homme le plus heureux sur Terre. Deux femmes dans le même pack d’emballage. Quand l’une est occupée, l’autre est libre. Il passa ses mains dans ses cheveux noirs. Puis, s’apprêta à saisir à la hussarde le volant de son Tubor G27 2000. L’indicatif musical du téléphone retentit. Il regarda sur le cadran digital pour mémoriser le numéro de l’appel. Aucun nombre à dix chiffres ne s’affichait. L’interlocuteur n’était même pas sur Liste rouge car les étoiles qui pouvaient respecter l’anonymat n’apparaissaient pas. À la place, une dizaine de cibles clignotaient, comme sur un jeu vidéo. Le cadre supérieur garda la tête froide. Il ne soupçonna même pas que ses supérieurs l’avaient mis à l’écart de cette nouvelle fantaisie du téléphone mobile. Bosser pour TRANSCOM, le N°1 des opérateurs européens était un privilège. N’empêche, n’être pas dans le secret des dieux aurait pu rendre hystérique plus d’un. Le mégapilote du Turbor G27. 2000 se contenta de sa réflexion première.
« Encore un emmerdeur ! »
Ricardo Landjo ne pouvait trahir sa devise « Toujours à l’éveil du monde de demain » qu’il l’avait fait grimper socialement.
« Allô !»
Personne ne se manifestait.
« Allô ! J’écoute ! »
Un silence pesant s’imprégna subitement. Il ne pouvait pas se permettre de raccrocher. C’était pas dans les mœurs de Ricardo. Son cerveau s’activa.
« Je vois. C’est un test ? »
Aucune réponse ne vint pour autant.
« Écoutez, si vous voulez que l’on prenne rendez-vous pour la semaine prochaine, J’attrape mon agenda cyberbouké et on règle ça dans la minute même. »
Une voix familière prit enfin la parole.
« OK ! Va pour un rencard avec la mort, Ricardo. »
Le conducteur faillit s’étrangler en attendant sa propre voix.« Vous m’imitez bien, monsieur. À qui je dois ce talent ?
– Ricardo Landjo !
– Allons , c’est une plaisanterie ?
– Non ! C’est le mobilou Z45678 qui a cloné votre voix. »
Une goutte de sueur coula lentement sur la joue de Ricardo avant de disparaître dans le col de sa chemise d’Oxford.
« Vous avez froid, M. Landjo ?
– Euh, non !»Le son du correspondant augmenta de volume.
« Chauffage ! 32 °. »
Le conducteur répliqua.
« Coupez chauffage ! »
Le cadran du thermomètre fléchit légèrement à 18 ° avant de remonter inexorablement.
« Chauffage 32 ° pendant dix minutes. »
Le premier réflexe de Ricardo fut de vouloir interrompre la communication en appuyant sur la touche Déconnexion. Sa propre voix venant du téléphone mobile continua ses recommandations.
« Votre Z45678 sera déchargé le 24 avril 2010 à 0 h 53. TRANSCOM vous garantit la sécurité à vie de tous nos matériels de télécommunication planétaire. »
Ricardo reconnaissait le message commercial qu’il avait maintes fois répété à ses clients au début de sa carrière de VRP.
« Portière bloquée durant quinze minutes pour tentative d’agression extérieure. »
Ricardo frappa énergiquement sur le volant pour faire taire ses ordres.
« Ceinture de sécurité inactive !»Le turbor G27. 2000 bougea soudainement de quelques centimètres.
« Essuyage optimum ! »
Un liquide mousseux aspergea le pare-brise à l’extérieur. Puis, un souffle chaud fit évaporer l’eau sale.
« 100 % de visibilité. »
Un mur bétonné se dressa à 50 mètres du bolide.
« Nous sommes sur une autoroute. Vitesse conseillée 200 km/h. »Ricardo appuya à fond sur les freins. Le Turbor G27. 2000 se crasha contre le mur. Le haut-parleur du parking termina par ce message laconique :
« Fin de la communication. »

Copyright : MEGACOM-IK / Phil Marso - Octobre 1999.

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2ème Extraits  (Page 46 à 55)

19 h 30 – la soirée était exceptionnelle chez la famille Speedoza. Un concours de circonstances fit qu’ils étaient tous réunis à la table du repas. Cela ne s’était pas produit depuis un mois. Il en manquait toujours un ou deux. La réunion d’assos, l’entraînement de foot, les cours de danse étaient toujours un alibi en béton pour échapper à la bouffe de Suzanne Speedoza. Une mère complètement déséquilibrée était la raison évidente de ne pas se pointer à table. Trop de sel, pas assez cuit, trop bourratif, pas assez digestif, pas fantaisiste, trop routinier… voilà les reproches que l’on pouvait faire à la Mama Speedoza. La table était mise. Seule anomalie, rien d’empoisonnant n’était encore à portée de vue.

« Maman ! T’as oublié ton rencard au micro-onde. T’es déjà en retard de dix minutes. »

Le fiston Erico venait d’attaquer l’entrée. Le père en rajouta une couche de sauce.« Dix minutes à attendre à la terrasse d’un café, c’est pas le problème. Mais, dix minutes de plus au micro-onde c’est du réchauffé fossilé. »

La fille Rébecca Speedoza prit la défense de sa mère.

« Ne les écoute pas, maman… Ils savent très bien qu’en cas de famine, ils réserveraient une place à ta cantine. »

Le père Antonio Speedoza, de sa voix bourrue, ricana.

« Ah, ah ! C’est même pas sûr que la cantine de Mama soit répertoriée par les tickets de rationnement alimentaires du Kosovo. »

Mama Suzanna Speedoza ne comprenait pas cet acharnement familial. Elle les avait tous nourris au sein. Même Antonio, qui mordillait goulûment ses tétons par manque affectif ou de calcium. Elle sortit de sa blouse de cuisine un Mobilou.

« Allô ! Ici, la pizzalou de La Morière. J’ai trois bouches à nourrir. Qu’est-ce que vous me conseillez pour qu’ils vomissent ? Non ! Non ! Ne raccrochez pas ! On fête Halloween avant tout le monde. OK ! La pizza Louchadia me paraît praticable. Quatre dans trente minutes, c’est parfait ! Je vous donne l’adresse :54 rue Champollion. »

Le reste de la famille était stupéfait par la dextérité de la Mama. Erico freina toute de suite l’enthousiasme général.

« Maman ! Qu’est-ce qu’il y a dans la pizza Louchadia ?

– C’est une surprise !

– Maman, tu sais que j’ai horreur de ça. Au moins, avec toi, on sait à quoi s’attendre. »

L’ado s’empara de son Mobilou perso.

« C’est quoi le numéro de téléphone, Mama ? »Antonio toujours le mot pour rire.

« Le 15, Erico.

– C’est impossible ! Il faut dix chiffres.

– Non ! Pour les urgences, c’est le minimum à composer. »

L’épouse ne broncha pas à cette rediffusion vaseuse de son mari.« Salut ! La Pizzalou. Voilà, j’ai ma reum qui vous a commandé une Louchadia.

– Ouais ! C’est parti….

– Ah… Il y a quoi dans la Louchadia ?

– Anchio, tomato, bouillie de spaghetto, olivio, carré de jambio, caprio, lardo, soupoudreto de mozzarello !

– OK ! »Erico, satisfait du cocktail de la mangeaille, coupa net le haut-parleur de son Mobilou. Rébecca Speedoza mit la pression.

« C’est suspect ! »

La Mama haussa les épaules.

« Allez, ma fille, épate-nous avec Internet.

– Je vais me gêner ! »

Elle sortit de son sac à main le Webloumil de la dernière génération. L’écran à cristaux liquides fluorescents ne passait pas inaperçu. On pouvait de ce portable hypersophistiqué interroger la planète entière. Les fonctions étaient multiples. Rébecca dicta sa recherche.

« Pizza Louchadia. »

La réponse fut rapide.

« Inconnue ! »

Elle ne se découragea pas.

« Je balance un avis de recherche sur le chat-web. »

Antonio se saisit à son tour d’un Mobilou.

« Allô ! Commencez sans moi, les gars. J’ai un dîner en ville qui me retient. »

Les messages à caractère personnel fusèrent.

19 h 42’ 05’’« Rébecca, tu m’aimes toujours ?

– Sois plus original, Jerry ! Propulse-toi dans le futur.

– Ça va être dur !

– Non ! Imagine que je suis en chaise roulante.

– Euh… J’ai envie de te rouler un patin.

– Freine, mec ! »

19 h 42’ 36’’

« Je sèche grave sur l’interro de demain. T’as des tuyaux ?

– Erico, ça t’arrive d’oublier le boulot.

– T’as raison, Francky ! On joue pas sa vie au bahut.

– La retraite, moi, je la prends à vingt ans. Marre des 32 heures par semaine.

– Qui va te la payer, Francky ?

– Mes vieux ! »19 h 43’ 01’’

« Antonio ! Tu crois que je peux venir de ta part ?

– Ouais ! Mais prononce vite mon nom. Je veux pas d’embrouilles. »

19 h 44’ 27’’

« Salut Erico ! Tu crois que ta sœur veut plus de moi ?

– Jerry ! Vos problèmes sexuels, ça vous regarde.

– Arrête ! On n’a pas encore couché.

– C’est bien ce que je disais. »

19 h 45’ 01’’

« Jerry ! Qu’est-ce que t’as demandé à mon frère ?

– Rébecca ! Juste si on entrait dans un cycle lunaire.

– Ah bon ! Tu t’intéresses à l’astronomie, maintenant ?

– Ouais ! C’est l’esprit de corps des particules qui me branche. »

19 h 46’ 54’’

« Antonio ! Tu connais la meilleure ?

– Non !

– La femme est l’avenir de l’homme à condition d’être proxénète de son état.

– Toi ! Tu vas encore me taper du fric.

– Et alors, je suis ta sœur. »

19 h 48’24’’…

La Mama s’absenta. Une fois dans la cuisine, elle se versa un verre d’eau. Son Mobilou s’activa.

« Bonsoir ! Suzanna ? »

La provenance de l’appel était signalée par une série de cercueil.

« Qui êtes-vous ?

– La mort !

– C’est une plaisanterie ?

– Non, je voulais juste vous prévenir de votre fin tragique. »

La Mama ravala péniblement sa salive.

« Vous êtes bien sûr de vous ?

– J’ai sous les yeux le journal de demain matin. Vous êtes dans la rubrique faits divers. C’est pas très joli. »

19 h 49’ 54’’…

« Bonsoir Antonio ! La mort vous guette.

– Ah, ah, ah ! Arrête tes bêtises, Marcel. J’ai reconnu ta voix.

– Votre ami est au cinéma. M. Speedoza, je voulais juste vous prévenir que votre femme a tout préparé elle-même.

– Quoi ?

– La pizza Louchadia ! 50 % arsenic, 50 % de mort-aux-rats.

– Vous êtes malade, Monsieur.

– Pas autant que vous dans quelques minutes. »

Antonio préféra ne pas tenir compte de la menace. Il coupa la communication.

19 h 50’ 02’’

« Salut Rébecca !

– C’est toi Jerry ?

– Non, c’est la mort qui va te prendre.

– C’est quoi, ce délire ?

– L’au-delà est le royaume de l’ecstasy, ma belle.

– Merde !

– Ils sont déjà au courant, les autres. Ils ont décidé d’en finir avec toi.

– Qui ça ?

– T’as une chouette famille ! »

Rébecca scrutait devant l’écran plat de son Webloumil. Tout était illisible. Elle tenta de jouer le jeu.

« Qu’est-ce que tu proposes ?

– Ton tir à l’arc de compète.

– Merci ! J’y réfléchirai. »

19 h 51’ 34’’

« Alors, la Mama, tu vas te faire étriper sans rien dire ?

– Encore vous ?

– Oui ! J’aime donner une ultime chance aux victimes fragiles.

– Qui m’en veut ?

– Les autres ! Ils ont déjà tous un alibi quand vous serez découverte saignée à blanc sur le carrelage de la cuisine. Le crime collectif, ça donne des idées. »

La mère n’osa pas prévenir qu’un dingue la faisait flipper au Mobilou.

« Ah Suzanna, vous méritez mieux que de vous faire massacrer. »

Elle essaya d’interrompre la communication.« Mama, ça ne sert à rien de vouloir supprimer notre dialogue. Ils vont la couper net, votre langue.

– J’alerte les flics.

– Bof !

Ils ne prennent plus au sérieux les appels d’un Mobilou.

– Vous allez m’aider ?

– Non ! Le couteau du rôti de porc va les surprendre. »

Mama Speedoza fit grincer un tiroir métallique. Une lame étincelante n’attendait que ça.

19 h 52’ 09’’

« Erico ! Sors vite de table.

– Pourquoi faire ?

– Sauver ta peau, môme !

– Oh l’autre, j’ai déjà entendu cette réplique à la téloche.

– Erico ! T’as toujours été le mal-aimé à la maison.

– C’est vrai !

– Là, ils vont pas te rater. Balancé direct du balcon comme Superman.

– Tu déconnes ?

– Non ! Personne s’étonnera de ton vol plané, Erico. T’es toujours à te pencher en avant.

– Alors, je meurs à la fin ?

– Non ! T’as le droit à l’épisode suivant si tu m’écoutes.

– OK !

– Va chercher ta batte de base-ball. C’est le moment de t’en servir. »

19 h 53’ 07’’

– Les deux enfants Speedoza quittèrent subitement la table. Le père s’en préoccupa à peine.

19 h 54’ 10’’

« Antonio ! Vous êtes toujours à table ?

– Ouais ! Le seul du reste.

– M. Speedoza, vous allez vous faire piéger en beauté.

– Ça me regarde.

– Le livreur de pizzas va arriver dans trois minutes.

– Vous êtes son entraîneur ?

– En quelque sorte, mais à ce rythme, vous n’avez plus qu’un essai.

– Ah ! Vous voulez me faire la leçon. Je parie que vous êtes ce père de famille qui n’a pas accepté ma sélection.

– Vous allez être face au livreur pour réceptionner la pizza Louchadia. »

Antonio réagit enfin.

« C’est encore le dingue de tout à l’heure.

– Écoutez, vous allez payer la note.

– La Mama me remboursera.

– En couronnes de fleurs, c’est romantique. »

L’homme s’énerva :

« Écoutez, je vais porter plainte pour appels téléphoniques malveillants.

– M. Speedoza, vous avez toujours la manie au resto de ne pas attendre les autres pour manger.

– Et après ?

– Je parie que vous allez vous jeter sur la pizza.

– Ouais !

– Ils n’attendent que ça !

– Qui ?

– Les autres ! L’arsenic et la mort-aux-rats vont être votre incinérateur en matière de foie.

– Connerie ! Le livreur n’est pas dans le coup.

– Si ! Il a fait intimement connaissance avec la Mama. »

Antonio réfléchit vite.

« Après tout, vous êtes peut-être dans le vrai.

– Évidemment, Antonio ! La Mama s’est toujours surpassée en bouffe pour vous éloigner du domicile.

– Il faut que je réagisse. »Antonio se leva de sa chaise.

9 h 55’ 18’ – La sonnette de l’appart retentit.

20 h 30 – Un périmètre de sécurité était installé au 54, rue Champollion. Mafoin, l’air sombre, vint à ma rencontre.

« John !

– Commissaire, il y a du nouveau ?

– Ouais ! Notre tueur de portable fait dans l’accident domestique. Jetez-y un œil à l’intérieur, c’est moche ! »

Une fois franchi le seuil de la maison des Speedoza, un haut-le-cœur me prit. C’était la première fois que j’avais devant moi une tuerie familiale. Le médecin légiste me fit les présentations.

« Erico, le fils, a succombé à trois coups de couteau dans le thorax. Mama Speedoza a été transpercée par une flèche en plein cœur. Rébecca, la fille s’est mangé un fer à repasser. On peut encore voir la trace sur le visage. Antonio, le mari, a glissé sur la mare de sang. Fracture du crâne ! »

Un détail retint tout de suite mon attention. Quatre Mobilou était posés sur la table à la place des assiettes qui avaient volé en éclats par terre avec les couverts.

« On a déjà fait un diagnostic ?

– Mario Geny s’en occupe. »

Deux minutes plus tard, l’expert surgit complètement excité.

« L’enfoiré ! On le tient !

– Notre homme a fait une erreur ?

– Ouais, une bourde monumentale ! Le tueur a appelé sur les quatre portables simultanément.

– Et alors ?

– Il a joué le rôle de conférencier.

– Il s’est invité à la table familiale des Speedoza.

– Absolument ! L’ennui, c’est que ce circuit fermé a imprimé son numéro de portable une fois de trop.

– Euh… Soyez plus clair, Mario.

– Eh bien, c’est comme s’il avait rempli un imprimé avec du papier carbone en quatre exemplaires. Il a réussi à détruire les imprimés. Sauf qu’il a eu besoin d’une cinquième feuille utilisée comme un bloc-note. Il a oublié de s’en débarrasser.

– J’y pige rien, à ce que vous me raconter, Monsieur l’expert en com.

– Pas grave ! J’essayais de faire un schéma technique simple. »

Mario Gény utilisa son propre Mobilou pour taper un numéro de portable.

« Je veux être le premier à lui dire qu’il est foutu. »

Soudain, on entendit une sonnerie dans la maison. Les quatre Mobilou sur la table étaient désactivés. Les Speedoza n’avaient pas de téléphone fixe.

« Notre tueur est encore sur les lieux du crime », suggérai-je. Si nous nous dispersions dans la maison prudemment pour le localiser ?

21 h 05 – La sonnerie était de plus en plus distincte. Seul dans l’escalier qui menait à la chambre des parents Speedoza, j’avançai prudemment. À l’étage, un long couloir me faisait face. Au bout, dans un débarras à la porte fermée, se cachait enfin notre serial killer. D’ordinaire, j’aurais déjà dégainé mon magnum 357. Mais mon intuition me laissait à penser que le type qui nous narguait depuis quelques jours n’était pas armé. Un filet de lumière était visible sous la porte du débarras. J’ouvris.

21 h 07 – Un môme d’un an et demi, très joufflu et rigolard, me tendait les bras. Juste à ses pieds, un portable traînait par terre. L’ennui, c’est que l’appareil n’était qu’un simple jouet jusque-là inoffensif.

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3 ème extraits (Page 70 à 79)

16 heures – La radio annonçait le crash d’un hélicoptère à Massy-Pal. Michel Taguère dans sa cabine de routier soupira.« Putain ! »Il venait de passer Chalon-sur-Saône. Il était parti tôt ce matin de Rennes. Les kilomètres avalés au compteur, la circulation était fluide. Une sonnerie retentit.« Merde ! »De la main droite, il se saisit du mobilou tout en maintenant le volant de la main gauche. 90 km/h s’affichaient sur le tableau de bord. Il prit la communication.

« Qu’est-ce que tu fous, Michel ? Tu dors ?

– Patron, si c’était le cas, vous auriez plus qu’à récupérer le matos informatique en pièces détachées sur le bitume.

– Tu roules ?

– Ouais, ça ne s’entend pas ?

– Fais pas le malin, Michel. J’ai pas dépensé 50 000 francs d’option pour la sonorisation de ta cabine pour que tu ne puisses pas entendre la sonnerie du mobilou.

– Vous voulez dire d’un réveille-matin, Patron.

– T’es où ? »

Il mentit.« J’ai dépassé Mâcon.

– T’es pas en avance, Michel. La cargaison doit être livrée demain matin pour 8 heures à Milan.

– J’ai déjà pas mal d’heures dans les pattes.

– Eh bien, tu peux sauter un repas. C’est bon pour ton régime.

– OK ! Comme d’hab’

– Bon, on fait le point dans six heures. »

Salvador Ringéko coupa net la communication sans dire au revoir. La secrétaire, Martine Lapolière, était devant lui dans l’attente de la signature d’un dossier. « Il me raconte des bobards, Michel. J’ai appelé Stéphane, il y a cinq minutes. Il est parti une heure après lui. Il n’a pas encore franchi Auxerre. » Michel se résolut à s’arrêter à un relais routier pour joindre son épouse. Depuis que son boss lui avait imposé le mobilou, il avait l’impression d’être surveillé dans les moindres de ses gestes. Il se remémorait encore la réunion improvisée à la lueur matinale dans le hangar du transporteur routier Ringéko and Co. Les yeux en merlan frit, il nous avait pêché dans la nuit un mobilou pour chaque conducteur. C’était selon lui un outil de travail extraordinaire qui évitait les galères. On s’attendait à apprendre par cœur notre numéro perso pour que nos épouses puissent nous joindre en cas de pépin. Salvador Ringéko nous arrêta net dans notre liberté d’expression.« Vous croyez que je vous paye pour tenir la permanence Allô-Solitude pendant trois plombes avec vos femmes ? »Ça sous-entendait qu’à force d’être sur la route, on pouvait avoir plusieurs maîtresses. Salvador était passé par là avant de se mettre à son compte. Il connaissait la musique. « Non, les gars, c’est pas du business. Si vous voulez que je paye vos salaires, il faut que je puisse vous joindre à toute heure. Alors, pas de rencard coquin. Les mobiloux sont bridés. Et le seul contact que vous aurez, c’est avec moi. » Michel se souvenait qu’une fois de plus il avait ouvert sa gueule. « Super ! Ça reste en famille ! »Ringéko ne broncha pas ce jour-là. Il termina son show en tapant dans les mains et souligna sa bonne humeur par cette phrase :« Rien ne vous empêche d’avoir un second mobilou à vous. Transcom les donne sans abonnement. »Les premiers jours d’utilisation avaient été un peu laborieux. Mais, l’esprit d’entreprise ne dérogeait pas à la règle des transporteurs. Michel avait pu grâce au mobilou se dérouter pour approvisionner un client en rupture de stock. Le chiffre d’affaires avait sensiblement augmenté, pas les salaires. Mais le patron avait pu embaucher cinq types rapidement.

17 h 07 – Le semi-remorque s’arrêta sur le parking près de Chez Léontine, le relais routier. Michel descendit de sa cabine. Il fit quelques pas sans se presser. À mi-chemin, il comprit qu’il avait oublié l’essentiel.« Merde ! Mon mobilou… » C’est en ouvrant la portière que la sonnerie brailla.

« Allô !

– T’étais où encore, Michel ?

– J’ai dû m’arrêter pour pisser.

– À ton âge ? T’as déjà la prostate. Ça fait bien dix minutes que je tente de te joindre. »

Michel ne souligna pas ce mensonge, familier chez Ringéko. Il s’était habitué à cette pression.

« Qu’est-ce qui se passe ?

– Eh bien, il va falloir que tu remontes sur Dijon. J’ai un client qui m’a demandé de charger une photocopieuse pour son fils. Il est sur ton chemin.

– OK ! L’adresse ? »Ringéko se félicitait de son efficacité. Michel entra enfin dans le relais. C’était pratiquement désert. Léontine passait une lavette sur le comptoir.

« Alors, qu’est-ce qui t’amène, Michel ?

– Les emmerdes ! »Il posa son mobilou sur le comptoir.

« Je vois. Wall Street est à nos portes…

– Sers-moi une mousse, j’arrive. »

Le routier se dirigea vers les toilettes.

17 h 10 – Le mobilou de Michel s’alarma une fois de plus. Léontine tenait le relais depuis une trentaine d’années. Elle en avait vu défiler des gars. Autant dire qu’elle avait la tchatche. Mais, le téléphone mobile, c’était un truc qui la dépassait. Elle ne put se résoudre à encaisser les vingtaines de sonneries successives sans réagir. Elle s’empara du mobilou et le porta juste devant la porte des toilettes. Michel, assis sur la lunette, s’était endormi. Le bruit familier eut raison de son coup de pompe. Il se leva sans remonter son slip ni son pantalon. Il ouvrit le verrou. Léontine, lui passa le mobilou dans l’entrebâillement de la porte.

« Allô ! – T’étais où encore ?

– Aux chiottes !

– Michel, t’avais qu’à prendre tes précautions avant de partir. T’exagères ! »

Le routier se rassit sur la lunette des WC.

« Quel est le programme, patron ?

– J’annule ton déroutage. C’est Stéph qui prendra la marchandise.

– OK !

– Attends-toi que je t’enlève quelques heures sur ta fiche de paye. »

Michel fit la grimace.

« En quel honneur ?

– J’aime pas qu’on me raconte des histoires.

– À quel propos ?

– Ton camion est sur le parking de Léontine. »

Une fois de plus, la communication fut coupée net. Furieux, Michel expédia vite fait les affaires courantes et se rua au comptoir. Il gueula :

« Léontine, c’est toi qui m’as balancé ? le boss sait que je suis dans ta taule. »

La vieille femme continua à essuyer son verre avec un torchon. Elle le posa délicatement sur le zinc.

« Michel, tu me fais de la peine. Je croyais que t’étais au courant.

– Quoi ?

– La rumeur prétend que les mobiloux de Ringéko sont de véritables balises. Ils permettent de te suivre à la trace. J’y connais trop rien à l’électronique mais, d’ici peu, ils pourront savoir si tu couches dans le salon ou la chambre à coucher.

– Mince !

– Tu l’as dit, Michel. »

17 h 14 – Ringéko avait soulevé le capot de son mobilou. Un écran plat s’y présentait avec la carte de France parsemée de points rouges minuscules. Il tapa le code MITAR001. L’écran ouvrit plusieurs fenêtres en quelques secondes pour fixer le point. Il sélectionna dans le choix « Affichage » la fonction zoom avant. Le camion de Michel était bien au kilomètre 21 après Chalon-sur-Saône. Un sigle représentait un relais routier. Par expérience, Ringéko savait que c’était chez Léontine. S’il avait un doute, il avait juste un numéro de téléphone affiché à sa demande afin de contacter le lieu indiqué sur le mobilou.

17 h 16 – Le transporteur interrogea à nouveau la balise.

« Qu’est-ce qu’il fout ? Il s’est pas barré… »

Ringéko fulminait en composant le numéro du mobilou de Michel. La sonnerie retentit à nouveau dans le relais routier.

« Écoute, J’ai une idée, Léontine.

– Laquelle ?

– Je reprends la route sans le mobilou.

– Toi, tu veux te faire virer.

– Non, j’en ai marre d’être l’esclave des temps modernes. Je ne suis pas censé répondre quand je bois mon café ou que je décharge la marchandise. J’ai des potes qui se valorisent avec le mobilou.

– Ça leur donne une virilité supplémentaire.

– Ouais ! Ça remplace l’érection du matin. Ils se font sonner à deux plombes du mat’ pour une urgence.

– Les cons !

– Léontine, t’as pas des gosses à nourrir. »

Le téléphone portable glapissait toujours.

« Michel, tu ne pourrais pas faire brailler ça ailleurs.

– Bouge pas ! Je vais le mettre en fonction répondeur. »

Il appuya sur une touche.

17 h 17 – Ringéko entendit enfin la voix de Michel préenregistrée.

« L’enfoiré ! Il a mis son répondeur. Bon, Michel, c’est un jour de congé que je te fais sauter si tu ne m’appelles pas dans cinq minutes. »

Léontine ouvrit la porte du frigo.

« Bon ! Ton mobilou a pris un coup de chaud, Michel.

– C’est ça ! Refroidis-le un bon coup.

– Michel ! Tu le récupères au retour.

– Merci Léontine ! J’entends déjà les remontrances du boss : alors, t’as oublié d’écouter ta messagerie, je t’avais dit de venir plus vite.

– Ils font ça même le lundi matin ?

– Ils vont se gêner !

J’ai des collègues qui courent après les heures sup’. Ils ont peur de se faire mal voir. Ils jouent à celui qui décrochera son mobilou le plus vite. »

17 h 20 – Michel donna un dernier coup de volant pour s’engager sur l’A6. Maintenant, s’il ne voulait pas se faire licencier, il lui restait à rouler toute la nuit sans faire de halte.

18 h 09 – Ringéko renonça à laisser une énième menace sur la messagerie. Il décida de prendre l’avion dans l’heure qui suivait. Sa secrétaire prévoyait qu’il serait à Genève vers 22 heures. L’idée était ensuite de prendre un de ses camions et de rejoindre le tunnel du Mont Blanc avant le passage de Michel.

22 h 30 – Ringéko était sur une bande d’arrêt d’urgence à six kilomètres du tunnel. Il but une tasse de café. Soudain, un semi-remorque passa à vive allure. Il reconnut tout de suite le bahut de son gars. Il faillit renverser le liquide bouillant sur son pantalon.

« Je te tiens, mon salaud ! »

Il s’apprêtait à démarrer quand son mobilou s’activa.

« Allô !

– Ici, le central de SYMCOMANIA.

– Ah ! Qu’est-ce qui se passe ?

– On a localisé votre rebelle.

– Pas la peine.

– Il s’est viandé à la sortie de Bourg-en-Bresse.

– C’est impossible ! Je viens de le voir à l’instant.

– M. Ringéko, je vous confirme l’accident. »

Le camion s’engagea sur la Nationale. Il scrutait la route dans l’espoir de voir en ligne de mire, Michel. Le compteur indiquait 90. Le mobilou était en veille. Il alluma la radio. Une voix étrange lui abasourdit les oreilles.

« M. Ringéko, vous êtes têtu. »

Il tenta de baisser le volume.

« Vous avez vérifié la cargaison que vous transportez, M. Ringéko ? »

Le patron se surprit à répondre. « Évidemment ! La citerne est vide.

– Ah, vous croyez ? Si je vous disais que votre lait s’enflamme à la moindre étincelle.

– Comment vous arrivez à parler dans la radio ?

– Oh, vous avez raison. Ça fait mauvais genre. Le mobilou c’est plus pratique pour persécuter son personnel.

– Qui êtes-vous ?

– L’âme du mobilou.

– C’est une blague ?

– Non ! Je vous écoute depuis ce matin. Le programme est captivant. On se croirait dans une pièce de grand boulevard.

– Je ne comprends pas votre allusion.

– Vous savez cette petite musique sonore qui claque aux oreilles comme une porte.

– Vous avez l’intention de me tenir compagnie jusqu’à Milan ?

– Cela va dépendre de vos aptitudes en matière de réflexe. »

La voix se tut. Le camion rentra dans le tunnel. Ringéko éclata de rire.

« Ah ! ah ! ah ! Baisé mon gars. Ton antenne n’arrive plus à me capter. »

Malgré l’heure tardive, il y avait quand même de la circulation à l’intérieur. Le nouvel éclairage était dense. Depuis l’accident mortel dans le tunnel en mars 1999 où trente-neuf personnes périrent carbonisées. Les autorités avaient pris leurs dispositions pour éviter un nouveau drame de cette ampleur. Tous les cent mètres, il y avait des caméras de télésurveillance afin d’alerter les secours au moindre accrochage. Le compteur indiqua les 75 km/h. Ringéko avait tout de même remonté les vitres dès l’entrée du tunnel. Le degré de pollution s’était atténué mais avec le passage de milliers de camions depuis la réouverture en hiver 2000, rien n’avait changé. Une BW 800 arriva à la hauteur du camion. Ringéko ne s’en soucia guère jusqu’au moment où elle le dépassa. Prenant de la vitesse, elle se mit soudain sur la file du bahut. Puis, freina.

« Qu’est-ce qu’il fout, ce con ! »

Le conducteur dut braquer son volant à droite pour l’éviter de justesse. Il entendit pourtant des klaxons et des crissements de pneu. L’impression qu’un autre véhicule derrière arrivait à toute blinde. La manœuvre réalisée, la BW 800 accéléra. Une CZK700 déboîta. Il prit en filature la BW 800.« Ils sont malades ! »Ringéko avait failli taper son pare-chocs avant contre une borne d’urgence. Le mobilou résonna.

« Allô !

– Bon réflexe ! Mais c’était facile ! »

Ringéko blêmit légèrement. Il regarda dans le rétroviseur. « Ah non ! C’est devant que ça se passe. »

Quatre véhicules lui bouchaient le passage. Il encastra machinalement le mobilou sur le tableau de bord. Il appuya sur l’accélérateur pour se ressaisir.

« Tu vas voir, ils vont vite dégager avec un 38 t au cul ! »

Ringéko tenta de se frayer un chemin dans sa file en intimidant le véhicule de devant. Elle se poussa. Enfin, il avait la voie libre. Pourtant, un évènement inattendu le déconcentra. Le compteur kilométrique s’accéléra. En deux secondes, il s’avala 1 500 kilomètres. Puis revint à son rythme normal. Six bolides étaient maintenant dans la course.

« Vous voulez ma peau !

– Non ! Juste ton âme.

– Attendez ! Rien ne m’empêche de continuer.

– M. Ringéko, je vous déconseille de ralentir. Vous ne savez pas ce qu’il y a derrière vous. »

Le boss regarda dans le rétroviseur. Un jet de gaz carbonique, prévu en cas d’incendie, se déclencha. La visibilité était néante à l’arrière.

« Vous ne voulez pas que demain les journaux annoncent que l’entreprise Ringéko and Co a été l’auteur d’un carambolage monstrueux dans le tunnel du Mont-Blanc ?

– Non !

– Il vous reste à peine deux kilomètres. Continuez ! »

Le manège reprit de plus belle. Le bahut atteignait 120 km/h. Ringéko avait pri parti de s’en tirer par n’importe quel moyen. Le compteur était maintenant à 115 008 km. C’était un délire complet. Des deux mains fermes sur le volant, il était concentré à l’extrême. Il évita à plusieurs reprises les pièges du freinage. Au km 12, une autre CZK700 se décala de la file de droite pour se placer carrément en plein milieu de la ligne blanche. Ringéko n’hésita pas. D’un coup de volant, il s’engagea sur le rebord de la chaussée. Le bahut monta rageusement.

« C’est assez audacieux ! »

Complètement excité, Ringéko hurla.« Je passe ! »

Deux véhicules sur la file de gauche venaient de se tamponner et de partir en tête-à-queue. L’un d’eux s’enflamma. Toujours le pneu gauche à vive allure sur la chaussée, le bahut s’était incliné dangereusement. Ringéko tapa du poing sur le klaxon en signe de victoire.

« Je passe ! »

Le mobilou parla d’une grosse voix caverneuse.

« Tu trépasses ! Il trépasse ! Nous trépassons ! Vous trépassez, Ringéko ! »

La vision de véhicule embouti disparut du pare-brise par enchantement. La citerne se coucha sur la route. La cabine du bahut se décrocha violemment et pivota sur elle-même avant de glisser inexorablement sur le goudron. La tête en bas, coincé avec la ceinture de sécurité, Ringéko ne pouvait se détacher dans ce ballet mortel. La citerne suivait la cabine plus lentement et par miracle stoppa à cinq mètres. Un liquide s’évacua. L’odeur d’essence remplit l’habitacle de Ringéko. Le mobilou ressuscita.

« Ringéko ?

– Quoi ?

– Je vois que vous n’avez pas dans votre répertoire le numéro de téléphone d’urgence de S.O.S. Grands Brûlés. Dommage ! »

Une explosion canonisa une fois de plus le tunnel du Mont-Blanc.

 

Copyright : MEGACOM-IK / Phil Marso - Octobre 1999.

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Sortie le 6 février 2009 - Disponible en librairie - Communiqué de presse

 
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