Réflexion sur le téléphone portable


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L'intérêt de la "Journée planétaire sans téléphone portable" c'est de susciter des réflexions. En voici une très intéressante envoyée par un auditeur de France Inter, suite à mon passage vendredi 2 février 2001, dans l'émission "Trafic d'influences". Quelques jours plus tard, je reçois la fable du "Petit Prince" revisitée par un docteur généraliste en Belgique. Vous pouvez vous aussi, si vous le souhaitez contribuer à la réflexion en envoyant vos textes soit par e.mail ou par courrier à l'adresse suivante : MEGACOM-IK 18 rue Wurtz 75013 Paris - France. Les envoyez c'est accepter sa diffusion sur ce site.

Phil Marso

Portable or not portable ? Est-ce bien la question.... Le petit Prince et le bureaucrate

 

Le petit Prince et le bureaucrate

- Bonjour, dit le petit prince (c'est le frère de celui que vous connaissez déjà

- Bonjour : répondit le bureaucrate, assis sur sa planète 0800.www.com.slach TV5.

C'était une planète orange, toute orange, la planète PROXI STAR.

- S'il te plaît, dessine-moi une souris, dit le petit Prince.

Pas un mot, pas un geste, même pas un regard...

- Que fais-tu ? Demanda le petit Prince.

- Je fais de la communication, répondit le bureaucrate entre deux sonneries.

Sur son bureau, des tas d'apareils : téléphone, GSM, répondeur, télévision, ordinateur servant télétexte, communication vocale, E.mail, internet.... et devant le clavier, une souris...

Pas loin du bureau, des antennes, un pylône, des cables, des fils... Et tout là-haut, au-dessus de sa tête, un satellite.

Le petit Prince, qui n'avait jamais vu tout cela, n'y comprenait rien. Il savait seulement que tout ce matériel devait sûrement servir à faire de la communication.

- Attention, fais attention aux ondes, mon petit bohnomme, lui dit le bureaucrate... C'est rempli d'ondes ici...

Le petit Prince regarda autour de lui, il ne vit rien, ne sentit rien. Il se demanda ce que c'était une onde et où se trouvaient les ondes.

- qu'est-ce que "une onde", Monsieur ? demanda le petit Prince.

Le bureaucrate qui avait à peine entendu sa question ne lui répondit pas. Il s'était branché sur Internet et recherchait sur son écran tous les sites où l'on parlait d'onde...

- Une onde, cela doit être un peu comme un fantôme, se dit le petit Prince, un fantôme... en même temps on en a peur, et en même temps on a envie de le voir...

Le GSM sonna, le télétexte défila, la sonnerie du téléphone retentit, la messagerie s'activa sur l'écran...Le bureaucrate était tout absorbé par sa recherche... et ne lui répondit pas.

- Toi, tu fais vraiment de la communication lui dit le petit Prince....

- Communiquer... Faire de la communication... pensa le petit Prince.

Et il se rappela : l'allumeur de réverbères, les roses, sa fleur, le businessman, les baobabs,...le renard...

Communiquer...un mot, une parole, un geste aussi... Un regard, un sourire parfois... un silence souvent... un partage Toujours...

C'est cela communiquer...

Communiquer, c'est aussi apprivoiser, apprivoiser, c'est-lui avait dit le renard-apprivoiser c'est créer des liens.

Et puis le petit Prince s'en alla, après avoir dit "au revoir" au monsieur, espérant que sur la prochaine planète, il pourrait enfin communiquer.

Texte du Dr Philippe Huberlant (Belgique)

 

Portable or not portable ? Est-ce bien la question....

 

Petite contribution à la réflexion sur le phénomène portable.

Par Stéphane VILLEPONTOUX

 Cette réflexion est née suite à l’émission de Philippe Bertrand sur France Inter qui recevait Phil Marso, auteur d’un ouvrage satirique sur le téléphone mobile et organisateur de la journée mondiale sans portable.

D'abord je tenais à préciser que je ne possède pas de téléphone portable et qu' à ce titre je me suis senti très concerné par votre initiative. Ma seule crainte serait de ne rencontrer au cours de cette journée que des gens qui, comme moi, pour des raisons multiples et variées ne possèdent pas de téléphone portable. Non pas que je n'aurais rien à dire mais plutôt à cause du fait que l'on ne trouverait pas réunis ici les conditions d'un véritable débat. Car en fait, les gens que cela dérange, ne sont-ils pas uniquement ceux qui n'ont pas de portable? Les moins concernés sont-ils devenus les plus concernés? De toute façon cela n'empêche pas de s'interroger sur ce phénomène social de grande ampleur.

Portable or not portable serait-il un faux problème? Finalement peu importe de savoir si c'est bien ou pas bien d'utiliser un téléphone portable, ce qui me semble important c'est de faire le point sur les progrès que cet outil à pu apporter et de savoir si son utilisation nous permet de mieux communiquer?

Car au fond le véritable enjeu social il est là : mieux communiquer avec les autres.

Qu'est-ce que cela pourrait bien vouloir dire? Est-ce apprendre à rencontrer l'autre? Quelles sont les conditions de cette réussite ? Et si c’est là un but louable à poursuivre, alors quel est le rôle qu'il faut concéder à la technologie et à ses innovations pour nous aider dans cette quête? Le téléphone portable participe-t-il de cette aventure humaine ?

Je voudrais commencer par un retour en arrière. Rappelons nous l'extraordinaire progrès engendré par le téléphone fixe et son développement. En effet, en réduisant la distance qui empêchait deux êtres physiquement éloignés, de communiquer, son invention est une véritable révolution. Sauf que la distance n'est pas complètement résolue. Il s'agit d'une distance auditive, d'une relation sonore qui se substitue au contact physique entre les personnes. Or, s'il s'agit d'un être cher, reconnaissons qu'embrasser une personne que l'on aime et que l'on a pas vu depuis un moment est une sensation de plaisir unique. S'embrasser au téléphone n'en est qu'un amère substitut. Mais c'est déjà çà...

Bien, maintenant que la technologie a rendu possible la communication téléphonique sans fil, c'est-à-dire principalement la possibilité de télécommuniquer d'où l'on veut, cette innovation nous permet-elle désormais de mieux communiquer avec les autres?

Assurément si l'on en croit les utilisateurs. Pourquoi?

D'abord parce que cela nous libère des contraintes de lieux. Désormais, il est possible d'appeler ses proches de n'importe quel endroit à condition que le réseau le permette. Mais selon les utilisateurs, l'on y gagne aussi en temps. En effet, puisque l'on peut téléphoner d'où l'on veut cela sous-entend que l'on peut téléphoner quand on veut. Et là, on touche un point essentiel du débat sur la communication à savoir la liberté nouvelle que l'on posséderait de pouvoir choisir le moment et le lieu de son appel. En cela je pense que c'est un grand progrès.

Cependant, si l'on regarde de plus prés la réalité de son utilisation, on s'aperçoit que le téléphone portable n'a pas résolu le problème fondamental de la communication avec les autres à savoir, le rapport à l'autre. Pas plus qu'avec un téléphone fixe, téléphoner d'où l'on veut, quand on veut n'a pas résolu la distance physique avec l’autre. Il arrive même que l'on assiste à des situations paradoxales en matière de communication dans lesquelles les personnes se téléphonent alors qu'elles se trouvent à quelques mètres l'une de l'autre.

Encore plus surprenant, voire inquiétant, on assiste régulièrement à des scènes de rue où deux personnes qui ne se connaissent pas, sont à côté l'une de l'autre en train de téléphoner à d'autres personnes, qui elles, ne sont pas là... Ainsi comment ne pas s'interroger sur la réalité du progrès social de cet outil lorsque l'on se trouve face à ce type de situation?

Evidemment, vous me direz, que ces personnes côte à côte qui paraissent s'ignorer pourraient très bien se rencontrer si elles le souhaitent après leur coup de fil ou même ailleurs dans d'autres situations. N'empêche que le fait d'être en communication, là dans la rue, avec une autre personne lointaine, nous ferme un peu à ce qui se passe autour de nous donc forcément aussi aux opportunités de la rencontre.

Ce qui m'a toujours intrigué c'est le fait que souvent les gens qui téléphonent dans la rue parlent fort, du moins ne cherchent pas à rendre intime leur communication. Tout se passe comme si le fait de téléphoner, c'est-à-dire d'avoir un interlocuteur, nous libérer de toute réserve vis à vis des autres personnes alentours. Et les gens ne s'en étonnent pas. Il apparaît même comme valorisant d'une certaine manière que d'afficher publiquement cette indifférence au mutisme communicationnel qui caractérise souvent les relations sociales dans l'espace public.

A ce niveau de la réflexion on peut se demander si le "phénomène portable" et les situations paradoxales qu'il occasionne en matière d'intercommunication sociale ne serait pas finalement une sorte de signal d'alarme. Un peu comme si, face à l'indifférence généralisée qui, me semble-t-il, représente le mieux l'ambiance qui règne actuellement entre les êtres d'une même communauté (à l'échelle d'une ville par exemple), parler tout seul à haute voix conduirait à passer pour un fou. Alors que téléphoner sous-entend la volonté de vouloir communiquer, même si elle s'y prend mal et produit l'effet inverse.

Mais est-ce le rôle du téléphone que de favoriser les relations aux autres?

Peut-être que non. En définitive, si l'on y regarde bien, le téléphone n'a pas pour objectif de permettre de communiquer avec tout le monde. Il sert au contraire à communiquer avec les personnes de mon choix et d'autoriser ses mêmes personnes à me contacter. Pire, avec les nombreuses fonctions dont il est doté, le téléphone est plus un outil pour filtrer, trier, censurer et finalement ignorer les sollicitations à communiquer que je ne désire pas. Dans son principe, je reste le seul maître de mon espace de communication.

Si je veux, je réponds. Si je veux, j'appelle !

On entrevoit ici une autre interrogation fondamentale: cette autonomie de décision que me procure mon portable dans mon rapport de communication avec l'autre, est-elle en soit un véritable progrès social ? Là, j'avoue que mon manque de pratique est une limite à la réflexion.

Cependant, il est toujours possible de se faire une idée à partir de l'observation du phénomène dans le cadre de son petit réseau d'amis. On peut faire un petit sondage rapide pour tenter de mieux connaître le rapport entre la possession d’un téléphone portable et le degré d’ouverture à l’autre, l’inconnu :

" Depuis que vous utilisez votre portable, avez vous plus d'amis? "

" A l’usage, votre téléphone mobile vous sert-il plus particulièrement à appeler des personnes ou bien à recevoir des messages ? "

" Votre téléphone, en tant qu’objet, vous a-t-il déjà permis de rencontrer une ou plusieurs personnes que vous n’auriez pas connu si vous n’en aviez pas eu ? "

" Ces personnes font-elles partie de votre entourage quotidien désormais ? "

Après consultation, il apparaît que le réseau relationnel s’est effectivement accru depuis l’utilisation du téléphone mobile. Pourtant la plupart des personnes que j’ai interrogé s’entendent sur le fait que le portable à surtout renforcé les relations avec le réseau d’amis déjà existant. Ce renforcement n’est pas tant de nature qualitative mais aussi lié à la plus grande fréquence des communications entre les personnes. L’usage impose le " chacun son tour. " Avec la pratique, les utilisateurs ont tendance à écourter les communications au profit d’une rencontre physique.

L’usage du téléphone portable apparaît dans l’ensemble très hétérogène. Chacun adaptant plus ou moins l’outil à son univers de préoccupations. Mais comment savoir lequel des deux s’adapte réellement à l’autre ?

" A quelle(s) occasion(s) consentez-vous à éteindre votre téléphone portable ? "

En famille, ou bien au boulot. Voilà les principales réponse. En fait, souvent la plupart des gens oublient tout simplement. Ceux qui y pensent sont très peu nombreux et avouent qu’il leur arrive régulièrement d’oublier à leur tour. Mais dans l’ensemble les personnes que j’ai interrogé reconnaissent la gène occasionnée par la sonnerie intempestive du téléphone.

Une fois qu’il est entré dans votre vie, le portable semble devenir indispensable. Faut-il pour autant parler de dépendance ?

" Pourriez-vous vous en séparer du jour au lendemain ? "

La plupart des gens à qui j’ai pu poser la question répondent que non. Mais ce n’est pas tant pour assumer leur dépendance consciente à sa présence que pour vous faire comprendre qu’il serait idiot de se passer d’un tel outil.

Cette petite enquête très succincte mériterait d’être approfondie. Néanmoins elle permet d’entrevoir quelques points importants qui caractérisent plus précisément le rapport entre l’outil, l’individu qui l’utilise et l’impact que cette pratique peut avoir sur l’intercommunication entre les êtres. Le portable est utile et efficace à partir du moment ou vous êtes capable de le gérer. Et cela va bien plus loin que le simple fait de savoir s’en servir.

Le problème est ici lié au fait que lors de l'achat, le téléphone n'est pas livré avec une notice vous donnant des conseils pour bien gérer votre nouvel outil. On vous vente les caractéristiques et les prouesses techniques de l'appareil mais à aucun moment on ne vous dit, par exemple:

"- N'oubliez pas de débranchez votre téléphone lorsque vous discutez avec vos amis afin de mieux apprécier ce moment passé ensemble."

En fait, le " phénomène portable " n’est pas en soit condamnable. Ce qui l’est plus, me semble-t-il, c’est le mensonge dont les opérateurs l’entoure volontairement. Lorsque vous faîtes l’inventaire des slogans publicitaires pour la téléphonie mobile ces derniers n’ont d’autre objectif que de chercher à vous convaincre d’en posséder un à votre tour. Parmi les arguments principaux qui sont souvent avancés, la liberté et l’autonomie sont des atouts forts. Et pour cause. Qui ne souhaite pas être plus libre ?

Le monde sans fil est à vous " Cela ne vaut-il pas le prix de l’abonnement ?

Pourtant ce que l’on n’explique pas c’est que cette liberté promise, n’est pas livrée avec le coffret. En fait, c’est à vous " d’inventer la vie qui va avec ". Et c’est bien là tout le problème.